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Ariel by Sylvia Plath
5.0

Ariel est le dernier recueil de Sylvia Plath, publié deux ans après son suicide. C'est par ses dernières poésies que je découvre l'autrice.
Dans ce recueil, le passé est tortionnaire, maître du présent. Il y a la volonté d'en finir, qui brûle les os en plein hiver, et il y a le soulagement. Ariel pour moi, c'est l'évanescence.
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Extrémité

Voici parfaite la femme.
Mort,

Son corps arbore le sourire de l'accomplissement ;
L'illusion d'une nécessité grecque

Flotte parmi les volutes de sa toge ;
Ses pieds

Nus semblent dire :
Nous sommes arrivés jusqu'ici, c'est fini.

Chaque enfant mort lové, serpent blanc,
Un à chaque petit

Pichet de lait, vide dorénavant.
Elle les a repliés

Dans son corps comme des pétales
De rose se ferment quand le jardin

Se fige et que les odeurs saignent
Aux gorges douces et profondes de la fleur de nuit.

Rien ne saurait toucher ni attrister la lune
Qui regarde sans broncher depuis sa cagoule d'os.

Elle a l'habitude de ce genre de chose.
Et ses ténèbres craquent, et ses ténèbres durent.
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Totem
Le moteur va tuer le rail, le rail est d'argent
Et s'étire jusqu'à l'horizon. Il sera dévoré de toute façon.

Sa course est vaine.
Au crépuscule il y a la beauté des champs noyés,

Et l'aube habille d'or les fermiers comme les cochons.
Ils tanguent doucement dans leurs costumes solides,

Les tours blanches de Smithfield devant eux,
L'esprit rempli de croupes grasses et de sang.

Il n'y a pas de pitié dans l'éclat des couperets,
La guillotine du boucher qui murmure : « Avec ceci, avec ceci ? »

Dans le saladier avec la vie avortée du lièvre
Tout embaumé d'épices, sa tête mise de côté,

Sa fourrure, son humanité écorchées.
Mangeons-le comme le placenta de Platon,

Mangeons-le comme le Christ.
Voilà des gens qui étaient importants —

Leurs yeux ronds, leurs dents, leurs grimaces
Au bout d'un bâton qui cliquette et claque, sornette, faux serpent.

Le capuchon du cobra va-t-il m'épouvanter —
La solitude de son œil, l'œil des montagnes

Où le ciel défile sempiternellement ?
Le monde a la chaleur du sang et le monde est personnel

Dit l'aube en rougissant.
Il n'y a pas de terminus, il n'y a que des valises

D'où se déplie la même identité comme un costume
Brillant d'usure, aux poches pleines de vœux,

D'opinions et de billets, de courts-circuits et de miroirs.
Je suis folle crie l'araignée en agitant ses bras nombreux,

En vérité elle est atroce,
Multipliée dans les yeux des mouches.

Elles bourdonnent comme des enfants bleus
Dans les filets de l'infini,

Et finissent ligotées par la corde de la seule mort,
La mort aux bâtons innombrables.
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« Je suis cette demeure hantée par un cri. » ("La voix dans l’Orme")